L' Théât Boboche

 

 

 

 

 

simons

 

 

 

 

THÉÂTRE LOUIS RICHARD

 

49 rue Jean Jaurès 59150 Wattrelos

 

Tél 03.20.73.10.10.

 

www.theatre-louis-richard.com

theatre-louis-richard@orange.fr

 

 


 

 

 

 

 

 

Pou kminchi !

 

 

 

Le théâtre de Louis Richard, à Roubaix, aux alentours de 1900, était appelé "Théât Louis" par les spectateurs attirés surtout par le grand drame historique en français, "Théât Boboche" par ceux qui, attachés à la petite comédie qui concluait chaque séance, se reconnaissaient plus dans le personnage de Morveux Courtelapette, dit P'tit Morveux et dans sa langue.

 

Sur une scène, sur un podium dans une fête de rue, dans un repas animé… Les "porichinelles" vous feront entrer dans leur jeu, dins leu parlache. "Le patois est la langue maternelle des marionnettes" disait Léopold Simons : elles sauront transmettre leur parler picard et s'affirmer à la hauteur de leur histoire et de leurs titres de gloire que ce document vous fera mieux connaître.

 

Outre "L'Théât Boboche", avec "In leu dins in Life" et "Ourson et Valentin", dirigés vers le jeune public, c'est aussi la volonté de transmettre un héritage et l'attachement à une langue que nous pourrons exprimer ensemble.

 

morv portrait sans tringle

 

 

 

public TLR

 

 


 

 

 

 

 

Morveux Courtelapette dit P'tit Morveux

 

 

Morveux Coutelapette, dit P'tit Morveux, créé en 1873, héros principal des boboches du théatre de Louis Richard (Théât' Louis ou Théât' Boboche fondé à Roubaix en 1884) a une quinzaine d'années. Jeune ouvrier vêtu d'un bleu de travail avant 1914, il suivra la mode pour porter casquette et costume rayé, ou à carreaux, dans l'entre-deux-guerres. Il est le porte- parole des ces jeunes ouvriers de l'époque de Louis Richard, à l'usine à 12 ou 14 ans, passés par l'école républicaine… Mais P'tit Morveux est seulement passé devant l'école ("J'faijos demi-tour, j'faijos toudis tcheuette") et n'a jamais voulu accepter l'usage du français. Sur ce point, il est l'image inversée de cette jeunesse ouvrière d'entre 1880 et 1914 et cela constitue l'un des ressorts essentiel de la farce. Dominique Platelette (le marchand de plats et telettes passait pour être grossier et vulgaire) et Jacques Linflé (dit Gros-Jacques) ses "mononkes" se refusent également à l'emploi du français.

 

Morveux est batailleur et ne se laisse pas faire, d'où son nom. Il ne se refuse jamais à donner du bâton mais aussi à distribuer coups de tête ou coups de pieds. Il est surtout, le plus souvent, l'organisateur de la farce qui va permettre de soutirer à l'un quelque argent, de se moquer d'un autre, de se venger d'un affront.

 

Les individus francophones, quelque peu riches et prétentieux, feront souvent les frais de la farce. Français et Picard se rencontrent de façon cocasse. La langue nationale, surtout si elle écorchée par un ouvrier parvenu, prête à rire à travers cette confrontation avec le picard.

 

 

 

castelet

 

Morveux Courtelapette dit P'tit Morveux, Dominique Platellette, Jacques Linflé dit Gros Jacques.


 

 

 

Boboche, vaudeville, bouffonderie

 

 

Dans le domaine linguistique picard, les "comédies" où les marionnettes présentent des versions populaires des pièces de théâtre de l'époque, des opéras (avec l'orchestre remplacé par un accordéon pour accompagner les "grands airs"), des adaptations d'œuvres de la littérature populaire et historique du XIXe siècle, le français règne en maître… même s'il s'agit souvent de français populaire marqué par un fort accent et des picardismes.

 

Le héros comique (Jacques à Lille ou Tournai, Lafleur à Amiens) s'exprime en général en picard. Mais on le verra parfois, à Lille, s'exprimer en français dans le grand drame de combat.

 

La petite pièce (ou "Boboche") qui vient conclure un long spectacle est marquée par la présence forte du picard. Cette farce est appelée généralement "vaudeville" à Lille, "boboche" à Roubaix (du verbe "bober" : se moquer de, tromper, d'où "bobard" en français populaire) et "bouffonderie" à Amiens. La langue régionale domine la pièce avec ses locuteurs. On ne se moque pas des patoisants qui "écorchent" le français mais des francophones, de leur caractère, de leur position sociale.

 

Au théâtre de Louis Richard où la grande pièce ne comporte aucun personnage picardisant, le comique lui-même, Bibi-Lolo, s'exprime en français et à l'inverse la domination du picard s'affirme dans le boboche.

 

Dans les années 1930, les tentatives heureuses à Amiens ou Abbeville de faire renaître les cabotans passeront par une mise en avant d'un répertoire picardisant et de héros porteurs de cette langue. Le théâtre deviendra bien plus picard qu'il ne l'était avant 1914. La même tendance, à Lille (avec l'association des Amis de Lille) échouera. A Roubaix, Léopold Richard prolongera l'œuvre de son père, Louis, en respectant tout autant l'esprit du "grand drame" que celui du "boboche", le français comme le picard.

 

 

 

morveux hotelia

 

Scène de boboche avec P'tit Morveux (à droite).


 

 

 

 

 

            L'canchon dormoire

 

Nous irons dins l'cour Jeannette-à-vaque,

Vir les marionnettes. Comme te riras,

Quand t'intindras dire : "Un doup' pou Jacques !"

Pa l'porichinell' qui parl' magas !...

Te li mettras dins s'menotte,

Au lieu d'doupe, un rond d'carotte !

I t'dira : "Merci !"…

Pins' comm' nous arons du plaisi !

Dors, min p'tit Quinquin…

 

                    Alexandre Desrousseaux

 

 

            L' théat' d'in sou

 

In veyot Batisse, Chot et Jacques

Et l'sale berlou tout cachiveu,

Cataplasse qui donnot des maques

Dominique et l'Petit Morveux !

Ah ! ceux là ! ch'étot les pus moches

Mais d'rire in attrapot l'souglou !

Tcheu plaiji au théat' boboche !

Tcheu plaiji au théat' d'in sou…

 

                    Charles Bodart-Timal

                   "Evocations roubaisiennes"

 

 

 

theat louis

 

L'Théât Boboche d'après Cuvelier.

 

 

            L'nouviau riche

 

Et l'soir, au théât, fin bénache,

J'ai donné brav'mint mes deux sous.

L'directeur ravett' cor ém' pièche !

J'cros qu'il in est dév'nu berlou !...

 

                     Jules Mousseron

                    "Mes dernières berlines"

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Deux vieilles marionnettes lilloises se réveillent dans leur grenier et évoquent leurs souvenirs de scènes glorieux.

 

 

photo lilloises bleu

 

Deux marionnettes lilloises de la fin du XIXe siècle.

(Personnage de gauche créé par Louis De Budt, personnage de droite créé par Louis Vanoverveldt)

 

 

Chevalier      Ah ! Ch'est pas bien, savez, Marquisse, ch' que vous faites.

                                               Si min nez i-est comm' cha, faudrot point l'oblier,

Ch'est biel et bien pour vous.

 

Marquise      Ch'est vrai, mon chevalier ;

                                               Ch'étot in m' défindant cont' les traît's, mes enn'mis,

                                               Qu' vous avez attrapé tous ches cops là pour mi.

                                               Ah ! Ch' que vous étiez biau quand vus faijiez batalle,

                                               Avec vo' grande épé', buquant d'estoc et d' talle,

                                               Cont' tous ches capenoull's qui s'in courot' nt invo,

                                               Tell'mint qu'i's avot'nt peur eud' vos cops d' tiête in bos !

                                               Cha s'est trouvé des fos, qu'vous étiez in foufelles

                                               A tel point qu' i' 'n avot des nœuds à vos fichelles

                                               Et qu' vos bras et vos gampe' i's étot'nt mélangés.

 

Chevalier      Mais ch'étot, biell' marquisse, pou' vous arvinger !...

 

Léopold Simons

"Marionnettes"


 

 

 

 

 

 

Le domaine linguistique picard

 

 

Le picard est une langue répandue sur un domaine linguistique (voir carte), disposant d'une histoire (la première trace littéraire est "La Séquence de Sainte Eulalie" – 881), d'une grammaire propre et d'un lexique riche (même si celui-ci a largement communiqué et échangé avec le francien et le français).

 

Depuis la fin du Moyen Age, la langue a perdu tout statut officiel. Elle s'est diversifiée comme toute langue populaire vivante, mais sans disposer d'une norme, d'une référence, d'une définition du "bon picard". Dans nombre de lieux on a oublié son nom, elle reçoit les dénominations de "chtimi", de "rouchi"… et surtout de "patois", c'est à dire de parler vulgaire perçu comme du "français déformé". En vérité, c'est plus souvent le picard qui a été francisé sous la pression de la langue nationale.

 

 

 

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Extrait de "Astérix i rinte à l'école", Albert Uderzo et René Goscinny.

Traduction picard : Alain Dawson, Jacques Dulphy, Jean-Luc Vigneux. Ed. Albert René.


 

 

 

La littérature de France ses sources et ses marges :

la littérature picarde

 

 

L'ancien picard

 

L'un des plus anciens textes de la littérature de France, "La séquence de sainte Eulalie", datant de l'époque carolingienne appartenait à l'abbaye de Saint Amand les Eaux. C'est un poème religieux écrit en "proto-picard". Les XIIe et XIIIe siècles produiront un nombre important d'œuvres marquantes avec "Aucassin et Nicolette", chantefable arrageoise dont l'auteur est inconnu, les chansons de Conon de Béthune, les chansons courtoises de Jacques d'Amiens, celles de Richard de Tournival et son bestiaire. Le théâtre tiendra également une place importante avec Jacques Bodel ("Le Jeu de Saint Nicolas"- Arras XIIIe siècle) et Adam de la Halle qui, au même siècle et dans la même ville, invente avec "Le Jeu de la Feuillée", le théâtre au sens moderne du terme. L'aire linguistique picarde est devenue un champ de bataille… et pour des siècles lorsque Froissart, au XIVe siècle, écrit ses "Chroniques" et nous raconte la guerre de cent ans. Le temps où le picard et l'occitan dominaient la littérature de France s'achève, le francien devient le français, langue nationale.

 

 

Le moyen picard

 

Peu d'auteurs connus, sans doute de très nombreuses œuvres perdues… des œuvres plus locales dans leur diffusion ; le picard est marginalisé, devient, peut-être, un mode d'expression littéraire. Les œuvres lyriques ou dramatiques sont rares. La littérature picarde s'installe dans un registre, celui des œuvres satiriques à contenu social ou politique. Cette période se termine au XVIIe siècle avec Charles Delarue et François Cottignies, dit Brûle-Maison ("Chansons et Pasquilles").

 

 

La littérature picarde moderne

 

Avec la Révolution Française va se construire une véritable politique linguistique. L'abbé Grégoire la résume dans son rapport du 30 juillet 1793 "…Il est plus important qu'on ne pense en politique d'extirper cette diversité d'idiomes grossiers qui prolongent l'enfance de la raison et la vieillesse des préjugés" et, la même année, un décret rappelle que l'instruction ne doit se faire qu'en langue française. Dans certaines provinces, il y a réaction et cela amènera, plus tard, à la fondation du Félibrige avec Rommanville et Mistral. Rien de tel dans le domaine picard.

 

Pourtant, de 1830 à 1870, des œuvres de valeur vont être produites avec Carion, Gosseu, Dechristé, Desrousseaux, Jurion et surtout Crinon. Edouard Paris, bien sûr fort décrié, a tenté de donner une orthographe propre au picard, fondée sur la transcription phonétique, en refusant de singer les graphies du français.

 

L'école de Jules Ferry va amplifier le combat pour "l'éradication des patois". Avec Jules Watteeuw, dit le Broutteux, des chansons et pasquilles vives et gaies contrastent avec un théâtre conventionnel et un esprit de retour aux vieilles valeurs françaises alors que Fidit, à Valenciennes, affirme des "idées avancées". Jules Mousseron, à Denain, poète et mineur de fond, produit une abondante littérature aux résonances sociales qui marquera "l'esprit chtimi". Jusqu'à la première guerre mondiale, les chansonniers des villes ouvrières produisent d'innombrables chansons de carnaval.


 

 

 

 

 

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Lafleur, Théâtre Chés Cabotans d'Amiens.

 

 

 

Le théâtre trouve sa force dans le sud du domaine picard avec Heren, Dupetit, Seurvat et David. Le personnage de Lafleur, héros des cabotans amienois va prendre sa dimension dans une renaissance de l'entre-deux-guerres avec Villeret et Domon et leurs compagnies, "Les Amis de Lafleur" et "Chès Cabotans d'Amiens".

 

 

 

 

 

 

 

Sur cette lancée, la littérature en picard va reproduire jusqu'aux années 1960 un style et des œuvres sans apports nouveaux. La nostalgie marque les œuvres de cette époque d'après la grande guerre. Léopold Richard, à Roubaix, écrira, pour en garder la mémoire, des comédies de son père, Louis (1850-1915), ces "boboches" autour du personnage de Morveux Courtelapette, ainsi que des souvenirs dans un picard au lexique riche. Il reste convaincu que le temps viendra d'un renouveau. Son fils, Florien, avec Andrée Leroux et Alain Guillemin remettra en scène Morveux Courtelapette dans un nouvel élan professionnel avec le Théâtre Louis Richard.

 

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Florien Richard et un mousquetaire

de Louis Richard, son grand-père.

 

 

Un autre esprit

 

Avec Géo Libbrecht, en 1963, le ton change. Le poète tournaisien publie "M'n'accordéion" et la force de la langue et des images rompt avec la routine des productions précédentes. Pierre Garnier produira une poésie spatialiste étonnante, et, dans les dix années qui suivront, Francis Couvreur, dans le Hainaut belge, Flip-Donald Tyètdégvau vont pousser au plus loin cette recherche d'originalité. Paul André, Pierre Delancre, Paul Mahieu marqueront l'importance de ce renouveau poétique en Belgique, Jacques Dulphy Jean-Marie François, en Picardie. Pierre Yvart, dit Yvar Ch'Vavar (nous nous inspirons de son travail sur le picard moderne), affirme sa démarche personnelle : une volonté permanente de surprendre.

 

A Lille, Léopold Simons marquera la culture picarde locale, comme auteur et comme peintre, par la qualité de son travail, sa sympathie vraie pour le "petit peuple lillois". Il fut bien le seul, par sa peinture, son écriture, son jeu et ses dialogues radiophoniques, à en donner des images justes et vraies. Il est resté dans la continuité en décrivant le monde ouvrier "chtimi" et sa langue.


 

 

 

 

 

 

Marionnettes dans le domaine linguistique picard

 

 

D'Amiens à Mons ou Tournai en passant par Arras, Lille ou Roubaix, les marionnettes à tringle ont été omniprésentes au XIXe siècle, jouant en français et en picard. De 1930 à nos jours, leur survie ou leur renaissance a donné très fréquemment une place importante au picard. La marionnette avant 1900, est, le plus souvent, un théâtre bon marché qui ne se différencie pas, par son répertoire, de ce que jouent les comédiens des quartiers ouvriers de la même époque. Leur public est majoritairement composé d'adultes.

 

Le mot "marionnette" est rarement utilisé. On emploie le mot picard "cabotan" ou "cabotin" (le mot passe en français dans un sens péjoratif pour désigner un acteur "qui en fait trop") ou "bolome" et enfin "porichinelle", déformation du nom du personnage de Polichinelle (Voir "l'canchon dormoire" de Desrousseaux).

 

 

 

Marionnettes picardes au moyen âge

 

 

 

 

L'imagerie du Moyen Age nous montre un "facteur de marionnettes" en train de réaliser des "cabotans". Ce sont des marionnettes à gaine qui illustrent un manuscrit de1344 écrit en picard.

 

"Aucassin et Nicolette" est une "chantefable" en picard  de la fin du XIIe siècle qui alterne des laisses de vers assonancés chantés et des morceaux en prose dits ou dialogués. On connaît mal cette forme de la "chantefable" qui semble avoir été très populaire. Il est possible qu'un musicien, chanteur et narrateur, ait pu interpréter récits et chants devant un castelet de marionnettes à gaine. Le marionnettiste ne disposant que de ses deux mains, cela explique que les dialogues, au sens premier du mot, ne se déroulent jamais qu'entre deux personnages.

 

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Un facteur de marionnettes du XIVe siècle.

 


 

 

 

 

Marionnettes et picard au XIXe siècle

 

 

Les quelques jalons concernant le Moyen Age sont fragiles. Ensuite, jusqu'à l'époque moderne les "cabotans" ne laissent aucune trace. Rien ne prouve pourtant qu'ils disparaissent. Le théâtre de marionnettes est généralement l'expression d'une "littérature orale" s'appuyant sur quelques écrits ("canevas", résumé de l'action, tirades…). Il semble, au début du XIXe siècle, que les théâtres ambulants de marionnettes qui laissent un souvenir de leur passage dans les villes du domaine linguistique picard, viennent de Paris.

 

 

 

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Un théâtre forain (avec au centre Lafleur),

à Berck-Plage vers 1900.

 

Marionnettes des théâtres ouvriers

 

De la Picardie à la Belgique, l'industrialisation va faire éclore des "comédies ouvrières", un théâtre bon marché, complément de ressources pour des familles dont le revenu principal est le travail en usine.

 

De 1800 à 1914, le phénomène va s'inscrire au milieu de grands bouleversements, entre les guerres, durant lesquelles le nord de la France est un champ de bataille, et la politique "d'éradication du patois" que l'abbé Grégoire lance avec la Révolution Française et que Jules Ferry veut achever avec la généralisation de l'école républicaine. Ce théâtre de marionnettes va être l'un des lieux où s'exprime le conflit entre les langues et les cultures. Il occupe un espace vide car, dans les quartiers ouvriers, les distractions sont uniquement celles que les habitants organisent. L'apparition des salles de cinéma en 1907 marquera la fin brutale d'une époque et la désaffection du public adulte jusque là majoritaire.

 

A Roubaix, le théâtre de marionnettes apparaît en 1829 avec la première école gratuite. Il prend toute son importance entre 1880 et 1900 (en 1884, Louis Richard, avec une vraie salle de spectacle de 500 places, se lance dans le professionnalisme), au moment où l'école de la République trouve, dans cette ville, son plein développement.

 

Jacques travail

 

Les héros picardisants Jacques ou Lafleur vont, dans certains cas, perdre leurs caractéristiques linguistiques, le picard va se trouver cantonné dans la petite farce qui clôt le spectacle, après "le grand drame de combat". Celle-ci va même parfois disparaître pour laisser plus de place aux héros nationaux et à leur langue. Une ambiguïté : Jacques et Lafleur, les héros comiques lillois et amiénois, portent le costume des valets de comédie du XVIIIe siècle et ne sont pas, a priori, des héros issus du terroir. Dans le théâtre de foire et des boulevards parisiens de cette époque, les valets de comédie portent toujours l'un de ces deux prénoms.

 

                   Deux Jacques de Lille.

A gauche : Théâtre Fieuw (Lille, fin XIXe siècle). A droite : Théâtre De Moor (Mons en Barœul, début XXe siècle)

 


 

 

 

 

1930 : survie, folklorisation ou renouveau ?

 

Toute l'Europe s'intéresse aux marionnettes populaires. L'Union Internationale de la Marionnette (UNIMA), internationale pacifiste où les héros régionaux ou nationaux vont permettre l'amitié entre les peuples, est fondée en 1929.

 

A Amiens, avec " Les Compagnons de Lafleur" de Villeret puis avec "Chès Cabotans d'Amiens" de Domon, Lafleur va devenir, avec le picard, le centre d'un processus de survie ou de renouveau. Est-ce au nom des valeurs et des traditions ancestrales ? Est-ce l'expression d'une culture populaire ou ouvrière ? En Belgique ce renouveau sera fortement représenté chez les Wallons et laissera des traces à Tournai et à Mons. Dans la région lilloise, deux grandes familles (De Budt et Richard) tenteront de faire survivre l'œuvre de leurs fondateurs.

 

Léopold Richard, fils de Louis Richard, maîtrise aussi bien le français que le picard. D'après lui, les folkloristes qui s'intéressent aux marionnettes veulent se moquer d'elles et des ouvriers, en lui demandant de faire des fautes de français, de "patoiser" pour faire rire les intellectuels. Il écrira de beaux textes de "boboches", petites pièces aux héros picardisants. L'une de ses pièces, "Le Colibri du Marquis de Trucmuche" et celle de Charles Bodart-Timal, "L'Esquelette" seront primées au concours du Broutteux qu'organise, à Tourcoing, Jules Watteeuw. Avec Léopold Simons, le Lillois, les deux Roubaisiens laisseront les textes en picard les plus forts liés aux marionnettes picardes.

 

 

 

 

 

 

 

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Une scène de "L'Esquelette"

de Charles Bodart-Timal au Théât Boboche.

Peinture de Jules Dervaux.

 

 

Le Théâtre du Broutteux, le Théâtre Louis Richard :

un hommage au passé ou une expression dramatique nouvelle ?

 

 

léopold

 

 

 

 

En 1976, Léopold Richard, disparaît. A Tourcoing, Paul Delannay, dit Robert Henry, qui se situe dans la continuité de l'esprit de Jules Watteeuw qu'il considère comme son maître, va entrer en possession d'une partie des marionnettes créées par Louis Richard. Il va construire un répertoire en français, largement inspiré des pièces du Théâtre Toone de Bruxelles. Ses comédies, d'après des "boboches" de Louis Richard, des contes ou des idées de Watteeuw, sont écrites dans un beau picard digne du "maître".

 

Léopold Richard (vers 1975) avec Jacques et Morveux.

 

A Roubaix, le Théâtre Louis Richard avec Florien, petit-fils du fondateur, est, dès 1978 en train de se préparer à assurer la continuité avec Andrée Leroux et Alain Guillemin. En 1983, il va renouer avec le professionnalisme du fondateur, publier les recherches sur les théâtres de marionnettes du pays lillois et, de nouveau, créer et écrire. Auteur de "boboches" à la manière de Louis et Léopold Richard pour les personnages centenaires, Jacques, Morveux Courtelapette…, Désiré Ducasse se consacre à une écriture picarde pour les marionnettes avec une volonté de renouvellement et de recherche.