>>Un héritage à faire fructifier
Avant 1914, déjà les petits
théâtres de marionnettes des quartiers ouvriers sont en
difficulté. Le cinéma est devenu, avec l’ouverture des
salles de quartier vers 1907, un redoutable concurrent. Les distractions se
multiplient (café-concert, café cinéma, bals,
etc.…).
Les vieux montreurs de marionnettes sont parfois
dépassés par le niveau d’instruction de leurs jeunes
spectateurs. Les théâtres où évoluent des
comédiens ouvriers ferment ou envisagent l’action
professionnelle et demandent des subventions. Dans
l’entre-deux-guerres, les théâtres populaires ont pris
la forme associative, amicales laïques d’une part, patronages
catholiques d’autre part. Dans le Nord de la France, seul le
Théâtre de Louis Richard survit avec son fils Léopold,
son petit-fils Florien. En 1980, le Théâtre retrouve une
nouvelle jeunesse. Andrée Leroux, Alain Guillemin ont
déjà engagé un travail de recherche historique, un
important collectage de mémoire, de préservation des textes,
des témoignages venant des « comédies »
ouvrières et de l’œuvre familiale des Richard. Le
Théâtre Louis Richard va de nouveau créer, des
centaines de marionnettes vont être de nouveau
réalisées, des pièces écrites, des spectacles
mis en scène.
Florien Richard (1920-2001), petit-fils du fondateur et qui
participe à la survie du théâtre avec son père
Léopold est au centre de ce renouveau. Loin du discours convenu sur
le «respect de la tradition», le TLR va faire vivre
l’œuvre du fondateur dans la société contemporaine
en en conservant l’esprit : de grandes œuvres de la
littérature vont être portées à la scène
« l’île au Trésor »
d’après Stevenson, « le Fantôme de Canterville » d’après Oscar
Wilde, « Gulliver à Lilliput »
d’après Jonathan Swift, Kernok le
pirate d’après Eugène Sue. Grands enfants, adolescents
sont concernés, mais le TLR joue pour les adultes, salut
l’apport philosophique arabo-andalou avec « En quête
d’Ibn Rushd » en hommage au
philosophe (alias Averoes), cherche à
donner sa dimension réelle à George Sand avec
« Masques et Burattini »,
conserve l’intérêt pour l’histroire
avec « Salut et Fraternité » à propos
de la
Révolution Française. « Histoire
de Bibi Lolo » évoque la mémoire d
théâtre dans son rapport à l’histoire de France
et au livre pour les enfants des écoles primaires, « Un
loup dans un Livre » pour les tout petits met au centre le livre
source de l’imaginaire et du merveilleux.
Autour du thème du loup ou en hommage à George Sand,
les spectacles du TLR, le travail mené avec le Centre National de la Documentation
Pédagogique amènera à utiliser les
spectacles dans la réalisation de DVD destinés à
utiliser les images pour amener au livre.
Voilà donc quelques aspects de l’histoire et de
l’évolution d’un théâtre qui fut longtemps
en position charnière entre l’écrit et
l’oralité : on passait du roman illustré ou du
feuilleton au « drame de combat » dont les dialogues
étaient improvisés par l’intermédiaire
d’un petit écrit le « canevas »
résumé de l’action acte par acte. Un vieux montreur de
marionnettes analphabète Alphonse Fieuw se
faisait lire par sa fille scolarisée les romans dont il tirait les
thèmes de ses pièces. Dans leur plus glorieuse époque
(1880-1906) les théâtres de marionnettes regroupaient un
public analphabète et un public de jeunes ouvriers passés par
l’école. Les livres s’ouvraient aux entractes et la
curiosité aidant, les marionnettes favorisaient le
développement d’un enseignement mutuel.
Dans sa période de survivance, entre les deux guerres
mondiales, le théâtre de Louis Richard résiste au
cinéma en affirmant son caractère éducatif même
s’il est de fait ignoré par les milieux de
l’enseignement.
Dans son renouveau actuel, le TLR porte à la scène une
œuvre où la vision d’un auteur en situant clairement sa
démarche dans la perspective de donner envie de lire. Le spectacle
lui-même, les documents produits, les expositions, les débats
avec les spectateurs constituent autant de médiateurs vers le livre.
On l’a vu, le passage de la marionnettes sur de nouveaux vecteurs
pour amener au roman est lui aussi pris en compte.
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